AVANT-PREMIÈRE

Depuis le lancement du programme en 2010, l’opération d’intérêt national Bordeaux-Euratlantique redessine radicalement l’entrée sud-est de Bordeaux. C’est spectaculaire, mais ce qui va arriver l’est tout autant.

En 2010, ce n’était encore qu’un concept. Des dessins d’architectes et d’urbanistes. Bref, un projet. Le plus ambitieux de France : l’opération d’intérêt national (OIN) Bordeaux-Euratlantique. Il redessine l’entrée de ville par le sud-est, tout comme avant lui le quartier des Bassins à flots – et la très construite avenue Lucien-Faure – marque une nouvelle et spectaculaire entrée nord avec son point de repère visuel la Cité du Vin et le pont Chaban-Delmas. À l’est, sur la rive droite, face au quai des Marques et aux façades de pierre des Chartrons, la ZAC Niel-Bastide, prolongera, sur 35 hectares, la transformation désormais achevée de Cœur de Bastide. À l’ouest, si ce n’est le chantier du tram qui complexifie l’entrée de ville, rien de nouveau.

Chocs visuels, d’entrée

Aujourd’hui, la claque visuelle pour le visiteur – qui déboule à Bordeaux par la gare Saint-Jean ou la voie rapide sur berges en provenance du sud de la région – est générée par Bordeaux-Euratlantique. Le comité d’accueil: quatorze grues et de nouveaux bâtiments comme l’immeuble de bureaux en bois Perspective et son voisin d’habitations Residen’Ciel, de conception plus classique mais qui représente le premier point d’accroche visuel quand on aborde, par le sud, le quai de Brienne. À bord d’une voiture venant du sud, le travelling visuel permet à l’œil de rebondir sur la halle Boca – et ses deux immeubles de bureaux et hôtel –, il surfe sur la vague de verre et de métal de l’immeuble ondulant le long de la Garonne, Atlantica, siège social de la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes et surtout la Méca (Maison de l’économie créative et de la culture aquitaine), arche ultra-moderne qui se recouvre (lentement) d’une peau de pierre claire.
 

 
La halle Boca
La halle Boca 
CRÉDIT PHOTO : THIERRY DAVID

"C’est vrai que je ne viens pas souvent à Bordeaux, principalement pour les événements de style Fête du fleuve ou Fête du vin, et quelques concerts aussi, mais je dois reconnaître qu’à chaque fois que j’arrive depuis les Landes en passant par les anciens abattoirs, je ne reconnais plus le quartier. Dernièrement, même le plan de circulation a changé", explique Adeline, infirmière libérale.

Le bâtiment de la Méca est un des premiers symboles sortis de terre.
Le bâtiment de la Méca est un des premiers symboles sortis de terre. 
CRÉDIT PHOTO : FABIEN COTTEREAU

Au sud, 13 quartiers nouveaux

De la même manière que le choc est assez brutal quand on pénètre dans Bordeaux par le nord via le quartier des Bassins à flot, l’entrée par le sud et le quartier Saint-Jean-Belcier voire même par le pont Saint-Jean devient spectaculaire de changements. Pour autant, il ne faudrait pas résumer Bordeaux-Euratlantique à une seule nouvelle façade. Au-delà du décor d’entrée de ville, l’OIN redessine, ou créé, de nouveaux quartiers. Elle a pour objectif d’étendre son centre-ville.

Des quartiers ce sont des lieux où les gens vivent, travaillent, se reposent, consomment, s’amusent aussi

"Il y a ce qui se voit déjà, et puis ce qui ne se verra qu’en pénétrant le périmètre de l’opération. En vérité, cette opération c’est treize nouveaux quartiers et des quartiers existants réaménagés, explique le directeur général de l’établissement public d’aménagement, Stéphan de Faÿ. Des quartiers ce sont des lieux où les gens vivent, travaillent, se reposent, consomment, s’amusent aussi. Où il y a de la place pour toutes les générations." Le challenge de l’établissement public d’aménagement, c’est donc de veiller à ce que ces nouveaux quartiers soient dotés de tout, à commencer par de l’espace public, quitte à monter vers le ciel pour cela.

 

Produire plus… de vide

"J’assume le parti pris de la hauteur pour les nouveaux immeubles, explique le DG. Deux ou trois étages en plus ce sont des mètres carrés d’emprise en moins, plus d’espace entre les bâtiments, plus de circulation, plus de vie. La règle, en général dans les nouveaux quartiers, c’est 70 % d’espace privé, 30 % d’espace public. Dans le périmètre de Bordeaux-Euratlantique, nous voulons nous rapprocher du 50–50. Nous produisons plus de vide que de plein", lâche Stéphan de Faÿ. À terme, une centaine d’hectares de parcs et jardins trouveront leur place dans le programme. La création des espaces publics précède parfois la construction des programmes. Bref, en matière d’effet "wouah", Bordeaux-Euratlantique n’a pas dit son dernier mot. En termes de décisions prises, le programme est à mi-route, le dernier coup de truelle devrait être donné en 2027.

Stéphan de Faÿ : "Vous n’avez encore rien vu !"

Le directeur général de l’établissement public d’aménagement de Bordeaux-Euratlantique explique le défi de cette opération d’intérêt national : construire une extension du centre-ville.

Stéphan de Faÿ
Stéphan de Faÿ 
CRÉDIT PHOTO : LAURENT THEILLET

"Sud Ouest". Bordeaux-Euratlantique pour les nuls c’est quoi ?

Stéphan de Faÿ. Plus que des chiffres, ceux que l’on met en avant, depuis le lancement de l’opération Bordeaux-Euratlantique, c’est d’abord une ambition : construire une extension du centre-ville métropolitain. C’est une multitude d’opérations sur un périmètre limité, c’est ce qui rend la chose spectaculaire. Ce qui frappe les esprits et saute aux yeux aujourd’hui ce sont les bâtiments comme la Méca (Maison de l’économie créative et de la culture aquitaine, NDLR) qui ouvrira au printemps prochain, ou encore le nouveau siège social de la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes ou bien, plus récent encore, la halle Boca et ses immeubles de bureaux. Mais l’essentiel de l’opération ne se voit pas forcément, bref, vous n’avez encore rien vu !

Qu’entendez-vous par là ?

Bordeaux-Euratlantique, ce n’est pas seulement des mètres carrés. Nous avons pour mission de construire de nouveaux quartiers pour Bordeaux, Floirac et Bègles, de vrais quartiers, avec du travail, des habitants, du commerce, des services… Des endroits épanouissants pour ceux et celles qui vivent là et pour celles et ceux qui ne font qu’y passer dans la journée. Prenons l’exemple du quartier Saint-Jean-Belcier. Il a son ADN, à savoir être à la fois un quartier populaire, un lieu de vie, avec un riche tissu associatif, mais aussi un lieu de fête. Nous nous sommes posé la question de comment on s’y prend pour ne pas vider ce quartier de ses habitants.

Comment s’y prend-t-on ?

On met en place des initiatives originales comme le financement d’opérations de rénovation de maisons de propriétaires-habitants. Le premier dossier vient d’être validé. Il faut penser aux espaces publics avant de penser à la construction d’immeubles. Il faut aussi résister à une tentation facile : tomber dans le quantitatif parce que la pression démographique est forte.

Vous prenez le contre-pied de ce qui a pu se faire dans d’autres endroits de la métropole ?

Disons que nous nous appliquons à tirer les meilleurs enseignements possibles de tout ce qui a pu se faire, le bon, et il y en a, croyez-moi, comme le moins bon. Nous arrivons dans une période ou tout le monde est en quête de sens. Les aménagements ou créations de nouveaux quartiers doivent répondre à cette attente.

De sens peut-être, mais surtout de qualité ?

Oui, et c’est pourquoi pour Euratlantique nous mettons en place un protocole qui réduira la sous-traitance en cascade sur l’espace public, mais aussi pour les programmes privés.

« Sud Ouest » Bordeaux-Euratlantique pour les nuls c’est quoi ?
Stéphan de Faÿ Plus que des chiffres, ceux que l’on met en avant, depuis le lancement de l’opération Bordeaux-Euratlantique, c’est d’abord une ambition : construire une extension du centre-ville métropolitain. C’est une multitude d’opérations sur un périmètre limité, c’est ce qui rend la chose spectaculaire. Ce qui frappe les esprits et saute aux yeux aujourd’hui ce sont les bâtiments comme la Méca (Maison de l’économie créative et de la culture aquitaine, NDLR) qui ouvrira au printemps prochain, ou encore le nouveau siège social de la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes ou bien, plus récent encore, la halle Boca et ses immeubles de bureaux. Mais l’essentiel de l’opération ne se voit pas forcément, bref, vous n’avez encore rien vu !
Qu’entendez-vous par là ?
Bordeaux-Euratlantique, ce n’est pas seulement des mètres carrés. Nous avons pour mission de construire de nouveaux quartiers pour Bordeaux, Floirac et Bègles, de vrais quartiers, avec du travail, des habitants, du commerce, des services… Des endroits épanouissants pour ceux et celles qui vivent là et pour celles et ceux qui ne font qu’y passer dans la journée. Prenons l’exemple du quartier Saint-Jean-Belcier. Il a son ADN, à savoir être à la fois un quartier populaire, un lieu de vie, avec un riche tissu associatif, mais aussi un lieu de fête. Nous nous sommes posé la question de comment on s’y prend pour ne pas vider ce quartier de ses habitants.
Comment s’y prend-t-on ?
On met en place des initiatives originales comme le financement d’opérations de rénovation de maisons de propriétaires-habitants. Le premier dossier vient d’être validé. Il faut penser aux espaces publics avant de penser à la construction d’immeubles. Il faut aussi résister à une tentation facile : tomber dans le quantitatif parce que la pression démographique est forte.
Vous prenez le contre-pied de ce qui a pu se faire dans d’autres endroits de la métropole ?
Disons que nous nous appliquons à tirer les meilleurs enseignements possibles de tout ce qui a pu se faire, le bon, et il y en a, croyez-moi, comme le moins bon. Nous arrivons dans une période ou tout le monde est en quête de sens. Les aménagements ou créations de nouveaux quartiers doivent répondre à cette attente.
De sens peut-être, mais surtout de qualité ?
Oui, et c’est pourquoi pour Euratlantique nous mettons en place un protocole qui réduira la sous-traitance en cascade sur l’espace public, mais aussi pour les programmes privés.

Belvédère, la future carte postale

"Le bois n’est pas l’ADN de Bordeaux. Cette ville a absorbé les différents courants architecturaux, mais avec toujours un point commun, la pierre et une couleur, le blond. Les projets qui sortiront de terre désormais dans le cadre de Bordeaux-Euratlantique suivront l’héritage de nos grands anciens. Nous sommes dans une ville douce, nous devons reproduire cela partout désormais. La place du Belvédère sera la réponse moderne, et sur la rive droite, de la place de la Bourse." Comme la place d’Armagnac et la future rue Bordelaise, rue large et piétonne de 300 mètres de long entre gare et Garonne, seront les répliques contemporaine de la place Gambetta et de la rue Sainte-Catherine.

Le Belvédère
Le Belvédère 
CRÉDIT PHOTO : A2STUDIO

Stephan de Faÿ a beaucoup d’ambition pour le Belvédère, première étape de la future ZAC (Zone d’aménagement concertée) Garonne-Eiffel (qui concerne les territoires de Bordeaux et de Floirac). Il sortira de terre, au pied du pont Saint-Jean, à partir de septembre 2019, et dont la construction a été remportée par le groupement constitué de Nexity, Altarea Cogedim et Pitch Construction.

Ce Belvédère et sa place – dessinés par le cabinet d’architectes Güller, Hondelatte, Laporte – doivent constituer une nouvelle centralité de la rive droite. "Ce sera sans doute la future carte postale emblématique de Bordeaux, nous avons une vraie responsabilité car nous voulons qu’elle soit la plus belle possible", glissait, lors de la présentation officielle, Stéphan de Faÿ.

Cette future "carte postale" est un quartier mixte, comptant 70 850 m² de logements (dont 35 % à caractère social), 50 000 m² de bureaux, 9 150 m² de commerces, 2 000 m² d’équipements dédiés aux loisirs et à la culture, le Belvédère, qui sera organisé en "théâtre urbain", explique l’équipe d’Euratlantique. Il faut comprendre que l’équipe d’architectes a dessiné un espace en gradin qui permet à la plupart des occupants, habitants comme entreprises de bénéficier d’une vue imprenable sur la rive gauche de Bordeaux.

L’aménagement des quatre hectares du Belvédère mobilisera aux alentours de 500 millions d’euros d’investissement.

Publié le 21/10/2018 Antoine GIMENEZ sur facebook / Pascal RABILLER / SO